Encore Noel avec Alphonse Allais …
Il y avait une fois un petit garçon qui avait été bien sage, bien sage. Alors, pour son petit Noël, son papa lui avait donné un veau.
– Un vrai ?
– Oui, Sara, un vrai.
– En viande et en peau ?
– Oui, Sara, en viande et en peau.
– Qui marchait avec ses pattes ?
– Puisque je te dis un vrai veau
– Alors ?
– Alors, le petit garçon était bien content d’avoir un veau seulement, comme il faisait des saletés dans le salon…
– Le petit garçon ?
– Non, le veau… Comme il faisait des saletés et du bruit, et qu’il cassait les joujoux de ses petites soeurs…
– Il avait des petites soeurs, le veau ?
– Mais non, les petites soeurs du petit garçon… Alors on lui bâtit une petite cabane dans le jardin, une jolie petite cabane en bois…
– Avec des petites fenêtres ?
– Oui, Sara, des tas de petites fenêtres et des carreaux de toutes couleurs… Le soir, c’était le réveillon. Le papa et la maman du petit garçon étaient invités à souper chez une dame. Après dîner, on endort le petit garçon et ses parents s’en vont…
– On l’a laissé tout seul à la maison ?
– Non, il y avait sa bonne… Seulement, le petit garçon ne dormait pas. Il faisait semblant. Quand la bonne a été couchée, le petit garçon s’est levé et il a été trouver des petits camarades qui demeuraient à côté…
– Tout nu ?
– Oh ! non, il était habillé. Alors tous ces petits polissons, qui voulaient faire réveillon comme des grandes personnes, sont entrés dans la maison, mais ils ont été attrapés, la salle à manger et la cuisine étaient fermées. Alors, qu’est-ce qu’ils ont fait ?…
– Qu’est-ce qu’ils ont fait, dis ?
– Ils sont descendus dans le jardin et ils ont mangé le veau…
– Tout cru ?
– Tout cru, tout cru.
– Oh ! les vilains !
– Comme le veau cru est très difficile à digérer, tous ces petits polissons ont été très malades le lendemain. Heureusement que le médecin est venu ! On leur a fait boire beaucoup de tisane, et ils ont été guéris… Seulement, depuis ce moment-là, on n’a plus jamais donné de veau au petit garçon.
– Alors, qu’est-ce qu’il a dit, le petit garçon ?
– Le petit garçon…, il s’en fiche pas mal.
Alphonse Allais (À se tordre – 1891)